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Sonia Ylang-Ylang
Sonia Ylang-Ylang
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"Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange Empty "Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange

Ven 12 Avr 2024, 7:31 am
(À ma Déesse Oxum, éprise d’émancipation féminine).

Tandis que je chemine tranquillement à travers les leçons, je m’aperçois que je n’ai pas encore participé au forum de l’EMD. Voici ma première contribution, dans une rubrique que je vois délaissée depuis quelques années, ce que je trouve dommage.
Le titre de cet ouvrage trahit son antiquité : sa rédaction remonte à 1509, mais il mérite de ne pas tomber dans l’oubli. Il fut d’ailleurs vite traduit en français à partir du texte original latin (De nobilitate et præcellentia feminei sexes), puis réédité à plusieurs reprises à travers les siècles jusqu’à nos jours. La dernière édition est celle de Indigo & Côté-femmes (2014, avec un titre un peu différent), mais elle ne semble plus disponible. Les personnes curieuses pourront télécharger un fac-similé de l’édition de 1578 sur le site de Gallica ; l’orthographe y est presque moderne, et la présentation facilement lisible.
L’auteur est l’occultiste allemand Agrippa de Nettesheim. Bien qu’on doive le considérer comme un des grands esprits de son temps, qui connaissait huit langues et trouva des protecteurs auprès de plusieurs cours d’Europe, son intérêt prédominant pour la magie (alors considérée comme une véritable science) a conduit à son oubli relatif. Julius Evola le cite toutefois à de nombreuses reprises dans son remarquable traité sur Le Yoga Tantrique, pour souligner les similitudes entre son enseignement et la métaphysique indienne, et suggérer une proximité bien plus grande entre l’Inde et l’Occident traditionnel qu’on ne le croit communément.
L’ouvrage dont il est question ici est un éloge idolâtre de la Femme, jugée comme supérieure à l’homme sous tous les aspects. Le discours est fougueux et sans nuance. Des citations frappantes pourraient être extraites de presque chaque page, comme :

« l’engeance très louable des femmes devance par tous points la rude et lourde race des hommes » (p. 21 du fac-similé) ;

« en icelle [la Femme] est comprise et consommée toute la sagesse et puissance du Créateur, outre laquelle il ne se trouve, ni se peut penser ou feindre d’autre créature » (p.31-32) ;

« Ce n’est donc qu’à juste occasion que toute autre créature l’aime, l’honore, la révère, et à bon droit s’esclave à elle et lui obéit, puisqu’elle est la reine de toutes les créatures, la fin, la perfection, et la gloire accompagnée de toutes grâces. » (p.34) ;

« ...le plus souvent, elle est capable de la lumière divine plus que l’homme » (p.39) ;

« Dieu … a béni l’homme à cause de la femme, ce que l’homme … n’avait point mérité devant que la femme eût été créée. » (p.65) ;

« la source de tous maux est venue des hommes et non des femmes » (p.85) ;

« il n’y a que les mauvais maris, qui aient de mauvaises femmes » (p.92).

Agrippa recourt aux diverses connaissances de son temps pour appuyer son propos, notamment à la Bible, mais aussi aux historiens profanes et aux notions biologiques et médicales dont on disposait. La supériorité de la Femme est successivement proclamée d’après la métaphysique et particulièrement selon sa création relatée dans la Genèse, sa beauté physique, les ressources de son corps, son caractère, et ses aptitudes intellectuelles et spirituelles.
Il retourne plusieurs passages de la Bible qu’on interprète d’habitude comme dévalorisants pour les Femmes : la perte du paradis n’est pas due à Ève, mais Adam seul en est fautif ; c’est donc pour expier sa faute à lui, et aussi par humilité, que Jésus s’est incarné en homme, « le sexe … le plus vil » (p.70), et non en Femme ; les menstrues, supposées rendre les Femmes impures, sont au contraire un signe de dignité (« [Elles] sont tous les mois purgées de leurs superfluités, par les endroits les plus recelés, lesquelles sortent aux hommes continuellement par la face, le plus digne endroit de tout le corps » ) ; la Femme n’est d’ailleurs jamais indécente, même complètement nue, car ses « parties honteuses » sont internes, et son abondante chevelure suffit à la vêtir.
Son rôle est prépondérant dans la génération et la transmission des caractères (« ...la seule semence de la femme … est la matière et nourriture du fruit, et non point celle de l’homme ... » (p.54)). Elle se révèle autant capable que l’homme à tous les métiers et toutes les fonctions, y compris le gouvernement, la guerre et les armes, les sciences, ou la justice. Son importance dans les religions, comme prophétesse ou mystique même quand la prêtrise lui est refusée, est soulignée.
Dans la seconde moitié du livre, l’auteur énumère de nombreuses Femmes brillantes du passé, et relève une série de traditions et lois d’inspiration matriarcale disparues, toujours pour les louer, mais : « ...pour le jour d’hui la liberté qu’avaient les femmes est resserrée par la tyrannie des hommes, qui se bande contre tout droit et lois de nature. » (p.123) ; il fustige l’injustice de la condition féminine de son époque ; et il loue la fidélité, le dévouement et l’abnégation plus grands des Femmes.

Agrippa de Nettesheim pourrait ainsi avoir été un pionnier avec cette apologie de supériorité féminine universelle. Il ne s’exprime pas sur l’origine de sa conviction mais mentionne seulement, à aux moins deux reprises, qu’il pourrait dire davantage en faisant appel à la Cabale, mais que son livre n’est pas le lieu d’en parler. Une piste occultiste semble ainsi s’ouvrir, pour se perdre tout de suite dans l’obscurité. Une variante autonome de la Cabale avait été élaborée à cette époque par des penseurs chrétiens, mais sa condamnation par l’Église, déjà effective, imposait la discrétion, indépendamment de nécessités d’ésotérisme.

Voilà donc un petit ouvrage fascinant d’originalité, aussi par sa forme à la fois de pamphlet et d’hymne amoureux, et dont la lecture reste agréable. Reconnaissons qu’une bonne part de son argumentation est périmée de nos jours ou nous semble naïve ; mais est-il approprié de la soumettre à la sécheresse d’une critique scientifique moderne, alors qu’une vie passée sans l’altérité féminine n’aurait aucun sens ? J’assumerai ma subjectivité en me laissant entraîner par l’auteur et en l’approuvant jusqu’en ses sophismes. Même si je dois peser de façon éhontée sur un plateau de la balance, je donne avec beaucoup de plaisir gain de cause à Agrippa.

Je m’amuse d’ailleurs en songeant que les féministes y seront peut-être plus embarrassées que moi. Non seulement leurs propos les plus virulents sont devancés de plusieurs siècles et par un homme, mais sa prose de la Renaissance prend facilement un parfum de parodie si on la rapproche des démêlés présents ; et la Femme exaltée par Agrippa est fortement archétypique. Les polémiques que ce livre pourra encore susciter prouveront qu’il reste vivant.

ENVOI : - Afin de rompre avec ce que l’exposé précédent pouvait tenir d’assommante froideur didactique (qui me caractérise bien mal), je passe à une application pratique en me permettant d’y mêler un souvenir personnel. Je glorifie ici Roberta, rencontrée un bref moment il y a bien des années, et que je ne peux décrire que comme shaktique ; hélas ! je ne connaissais ni le mot ni le concept, et je n’en étais pas non plus à pratiquer la dissolution des liens d’illusion que prône le tantrisme : l’automate façonné par ma médiocre, si française famille petite-bourgeoise n’avait pas encore explosé sous les pulsions qui y bouillonnaient ! J’échouai ce jour-là à reconnaître ma chance et commuter l’aiguillage qu’Elle représentait, pour perdre ensuite quelques années dans mon ornière et mes œillères d’alors, après mon retour des antipodes. Cette Dame était en effet de l’île de Huahine, et j’avais dû traverser deux océans pour connaître la sensation qu’Elle irradiait à son insu. Les voyages valent plutôt par ce qui n’est pas décrit dans les guides touristiques. Le mien taisait aussi que Huahine est surnommée « l’Île de la Femme », ayant été gouvernée par des Reines jusqu’à la perte de son indépendance. Y reste-t-il un climat mystique ?
Namibi Sakhmis
Namibi Sakhmis
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"Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange Empty Re: "Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange

Dim 14 Avr 2024, 8:57 am
Merci de ton partage @Sonia Ylang-Ylang Smile

Je suis contente que tu ais enfin partagé une de tes perles avec nous!

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Namibi Sakhmis
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"Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange Empty Re: "Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange

Dim 14 Avr 2024, 1:45 pm
@Sonia Ylang-Ylang Oh quelle perle en effet! Merci, merci, merci pour ce beau texte. Mes pupilles se sont ravies en lisant tes mots enchanteurs! J’en redemanderais…oserais-je? ♥♥♥
flowerPom Sakaïna
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Myesis
Messages : 323

"Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange Empty Re: "Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange

Lun 15 Avr 2024, 4:19 am
Merci de ce riche et passionnant partage 🤩 @Sonia Ylang-Ylang
Péma Keltoï
Péma Keltoï
Prêtresse déaniste
Messages : 1757
https://tellusmater.wordpress.com/

"Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange Empty Re: "Noblesse et précellence du sexe féminin": Agrippa de Nettesheim, un précurseur étrange

Lun 15 Avr 2024, 3:45 pm
Bonsoir!
Je ne connaissais pas du tout cet auteur!
Merci pour la découverte!♥
Ravie de lire la plume d'une nouvelle deaniste sur le forum également!^^

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